A C C U E I L
J'ai récemment
participé à un forum sur le sujet (je n'ai obtenu que peu
de réponses vu que le film date d'un certain moment) et je vais
donc renouveler mon interprétation sur des
éléments mystérieux...
En
effet, je me porte en faux avec ce qui a été dit, ci et
là sur les forums et notamment sur le site de Jill qui
découpe de façon manichéenne le film en deux
parties ( rêve/ réalité) qui correspondraient
à un rêve commençant par la scène de
l'oreiller du début et finirait avec le réveil de Diane
par sa voisine. S'ensuit ensuite une série de flashbacks.
Pour Jill, la fin du film et de
l'histoire correspondraient donc : la fin du film est donc pour
beaucoup le suicide de Diane par une balle de revolver dans la
tête.
Or pour moi cette scène
et toute la partie de Diane en peignoir n'a jamais réellement
existé et correspond à un délire ante mortem.
Je m'explique : Pour chacun la
scène de l'oreiller correspond au coucher de Diane qui s'endort
pour faire un très beau rêve interrompu par la
voisine.
Or là où je ne
suis pas d'accord et pour rejoindre mon
interprétation précédente, c'est que lorsque
l'on voit le fameux oreiller, Diane y vient pour s'allonger car elle
vient d'intenter à ses jours à coup de barbituriques.
Elle s'est donc suicidée au
début du film et non à la fin.
Ce qui suit correspond à
l'agonie de Diane composée d'un mélange de fantasme
(partie Bety/Rita), de cauchemards (partie peignoir) et de souvenirs
anciens avec son amante ( flashbacks).
Ce qui est donc montré
pendant 2h20, constitue une poignée de minutes dans l'esprit de
Diane qui attend l'effet des barbituriques, c'est son dernier souffle
de vie.
Pourquoi cette nouvelle vision du
film ?
1) Si la partie rêvée a bien eu lieu avant la partie dites
du "peignoir", comment expliquez vous que la voisine porte les
mêmes vêtements (aux chaussures près) dans le
rêve qu'au réveil de Diane ?
Diane serait-elle voyante ? La voisine a-t-elle une garde robe peu
fournie ?
Ce que je crois tout simplement, c'est que la partie peignoir n'a
jamais existé.
2) Pourquoi le retour du mendiant/ monstre (personnage fictif) en
seconde partie alors que Diane est soi disant bel et bien
réveillée ? Nous sommes encore dans son rêve/
agonie et non plus dans la réalité.
3) Si l'on connaît le goût particulier de Lynch pour tout
ce qui à trait au symbolisme, au rêve notamment, je ne
pense vraiment pas que la fin constitue un moment réel mais bien
onirique, symbolique.
La scène finale du suicide est donc selon moi que pure
délire sinon comment expliquer cette fumée qui entoure le
personnage lorsqu'elle vient de se tirer une balle dans la tête ?
4) En tout cas je suis totalement d'accord avec le fait que Diane a bel
et bien idéalisé sa relation avec Camilla et cette
idéalisation est intégrée dans les quelques
minutes (pour Diane) dans son délire ante mortem.
En ce qui concerne la nette cassure de la seconde partie, elle
correspond certainement à un retour à la
réalité mais non pas et c'est là toute la
différence avec vous à un réveil de Diane mais
à une cassure dans son agonie: ce sont ses réminiscences
(toujours dans son agonie ante-mortem) du passé, des flashbacks
(la scène du dîner, du canapé, de la
masturbation...).
Je suis presque convaincue par l'irréalité de la
scène du peignoir (moment où la voisine la
réveille).
D'ailleurs pour étayer ce doute pourquoi Diane
possède-t-elle la même tasse à café que
celle servie au Winkies ? Vérifiez bien ce détail. Ce
sont les mêmes tasses.
Serait-elle cleptomane ou alors c'est vraiment par le plus grand des
hasards? Ceci étayerait donc mon point de vue sur
l'irréalité de la scène dites du "peignoir" et
donc du suicide final.
N'oublions pas non plus les vêtements
identiques de la voisine.
Je serai très intéressée par avoir votre avis
et la solution de l'énigme des vêtements de la voisine et
de la tasse à café. Est-ce une coquille de Lynch ? Je ne
l'espère pas.
Voilà j'espère que cette nouvelle interprétation
ne bouleversera en rien vos certitudes sur ce merveilleux film, car on
le sait bien seul David Lynch détient la clé (bleue) de
ses oeuvres. Il ya bien entendu plusieurs dizaines
d'interprétation possibles...
...Pour cette nouvelle
interprétation, je me suis en fait fortement inspirée de
Lost Highway, autre chef d'œuvre de David Lynch... du fait de sa
symétrie, sa forte ressemblance avec MD.
Pour résumer, et en quelques
lignes cette fois, mon propos, je pense que le seul moment "live", si
je puis dire est en fait la scène de l'oreiller. Diane vient
d'intenter à ses jours.
Le reste (le film dans son
ensemble) n'est que délire/fantasme (partie Rita/ Betty)
mélangé de cauchemars (partie peignoir qui comprend la
balle dans la tête) et de réminiscences bien
réelles celles-ci (les fameux flash-back).
Comme elle vient juste de se
suicider à coup de médocs (et non d'un coup de revolver),
son agonie lui laisse un peu de temps pour entamer ce délire
(les 2h20 donc).
3 parties dans l'agonie/
délire:
1) La partie pure fantasme
représente bien entendu ce qu'elle aurait voulu vivre et
être; elle s'invente une autre vie où tout lui
réussit. C'est son plus grand regret.
2) Le cauchemar
(partie peignoir) représente ses regrets, son constat
d'échec. Elle est rattrapée par son passé, par la
réalité de son acte ( il n'est donc pas étonnant
que la scène du silencio qui représente la prise de
conscience précède cette partie). Jusque là,
elle a voulu nier la réalité (elle a fait tuer Camilla).
C'est à partir du Silencio que s'opère cette cassure
entre le fantasme et le cauchemar.
3) La réalité
correspondant aux différents flash-back
s'entremêlent, se confondent petit à petit avec son
cauchemar. Le délire devient totalement incontrôlable
jusqu'à ce que la sentence tombe: elle se rappelle avoir
tué son amante (symbole de la clé bleue). Elle ne peut
plus faire marche arrière: Camilla ne lui appartiendra plus;
elle a définitivement tout perdu.
Ne dit-on d'ailleurs pas que
lorsqu'une personne se voit mourir, se rappelle en un court instant les
grands moments de sa vie ? Lynch qui est le cinéaste de
l'inconscient, du rêve (ou du cauchemar) a en plus des
éléments réels, ajouté des instants
totalement fictifs et fantasmés.
Voilà ce que je pouvais donc
rajouter sur Mulholland Drive et j'espère plus clair...
Servanne Morin
A C C U E I L